« Qui vole un ?uf... »
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oici maintenant très longtemps que je n'ai mis les pieds dans une grande surface. Très cyniquement je laisse cette corvée à mon épouse.
Quelquefois à son retour elle me rapporte des faits qui m'incitent à penser que le temps passe et que le comportement de certains de mes congénères consommateurs ne varie guère...
Je veux parler des pratiques consistant en divers gâchis et menus larcins...
Ainsi, il n'est pas rare qu'elle trouve dans d'autres rayons, non réfrigérés, cela va de soi, des sachets contenant divers poissons et crustacés, souvent pour des sommes dépassant les dizaines d'euros, ou des barquettes de viande ou de charcuterie.
Il y a également les divers sachets de pâtisserie ou de confiserie abandonnés vides dont on peut supposer que le contenu a été consommé sur place, mais ne passera jamais à la caisse.
Hier encore, mon épouse a assisté à certaines scènes dans le rayon « fruits et légumes », malheureusement terriblement banales.
Une famille « attablée » devant le présentoir de prunes, les dégustant les unes après les autres, en s'extasiant de leur bon goût, et crachant les noyaux... dans le cageot même !
Ou cette dame s'emparant d'un cageot où restait encore trois boîtes individuelles de mirabelles, vider le contenu de celles-ci au fond du cageot, et en reconstituer une en choisissant soigneusement les fruits, c'est-à-dire en ne gardant que ceux qui étaient parfaitement à point, en éliminant les fruits pas assez mûrs ou trop avancés, et laissant les fruits restants en vrac dans le fond de la clayette...
Un peu plus loin, dans un autre rayon, elle trouve un gamin de six ou sept ans carrément assis dans le présentoir des brioches et autres viennoiseries, et ce devant l'air esbaudi et presque approbateur des parents...
Reste à s'interroger sur le pourquoi de telles pratiques.
Certains esprits polémiques, chantres de la lutte à outrance contre les grandes surfaces la semaine, et y faisant leurs courses le samedi, vous diront que c'est l'étalage « outrancier » des biens devant les plus démunis qui provoque cette rupture. Bon, je considérerai cette vision des choses comme relevant plus d'une description tirée d'un roman réaliste ou naturaliste à la Zola. D'une part parce que cela n'explique pas le gâchis, d'autre part parce que les personnes concernées ne font pas toujours partie des classes sociales les plus défavorisées, loin s'en faut...
Non, la réalité me semble plus prosaïque, et peut avoir deux origines.
La première est motivée par le raisonnement que « de toute façon ces gens-là ont les reins solides, et qu'il leur en restera toujours assez pour vivre ». Comme l'on dit en informatique : erreur fatale ! N'allez pas croire que parce que vous goûtez aux frais d'Auchan, M. Mulliez va être obligé de pointer aux Restos du C?ur... Toutes ces pertes, que dans le langage de la distribution on appelle « démarque inconnue », sont parfaitement cernées, et leur montant est automatiquement réintégré dans le prix de vente.
Autrement dit, lorsque vous achetez un kilo de cerises ou de prunes, vous en payez 100 g pour que les autres consommateurs puissent se régaler « à l'?il ».
Plus inquiétante la seconde raison. On peut la placer dans l'optique du truisme qui me fait toujours sourire : « quand les bornes sont franchies, il n'y a plus de limites ». Je veux dire que pour certains, il n'y a même pas conscience de faire mal... Ainsi que je l'ai développé dans les articles précédents, il y a perte des repères, qui là effectivement peut trouver son origine, et son exacerbation dans l'étalage d'une société uniquement matérialiste.
Personnellement, ces pratiques me rendent très mal à l'aise, et inutile de dire que je n'en ai jamais été l'acteur.
Sans doute peut-être à cause d'une éducation « obscurantiste », mais très certainement parce que j'ai été « influencé » par les leçons de morale que mon instituteur de CM1 nous dispensait tous les matins en début de classe. Parmi celles-ci, je me souviens en effet de celle qui avait pour titre « qui vole un ?uf, vole un b?uf »...