In ze mood, le blog d'humeur de Dominique

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Heureusement, le ridicule ne tue pas?

gp

I

l y a un peu plus d'un an, j'égratignais ici même les critiques cinématographiques dans un billet intitulé : « Avec ça, on est pas aidé ».

Ce matin, à l'occasion de la sortie en DVD et VOD du film au succès planétaire de Michel Hazanavicius, « The Artist », je suis allé faire un tour sur les critiques qui avaient été publiées à l'occasion de la sortie en salle de ce film. Si, tout à fait normalement, 90 % de celles-ci sont très élogieuses, deux d'entre elles « le descendent en flammes ». « Télérama » et « Libération ». Pour le premier, ainsi que je m'en suis expliqué, c'est « Télérama »? Quant au second, la critique, eu égard aux récompenses dont a fait l'objet ce film, elle vaut aujourd'hui son « pesant de cacahuètes », et je vous la laisse découvrir in extenso :

Le véritable scandale du dernier Festival de Cannes, ce n?est pas que Jean Dujardin ait obtenu le prix d?interprétation pour son rôle dans The Artist de Michel Hazanavicius, mais que le jury n?ait pas imposé que Dujardin partage sa récompense avec le petit chien qui l?accompagne tout au long du film. Bien plus, on a beau secouer la fiche artistique de The Artist, pas l?ombre d?une mention spéciale, même pas un nom. Il faut retourner les tiroirs du site IMDb pour y découvrir une certaine Sarah Clifford, créditée comme «entraîneuse de chien». C?est révoltant, car ce Milou épatant est un véritable «Artist» lui aussi. Qui, de surcroît, résume parfaitement le film : très savant, bien dressé, un rien cabot.

Le projet de Michel Hazanavicius est a priori à rebrousse-poil : un film muet, en noir et blanc. On imagine la jaunisse qui a dû envahir le visage des décideurs financiers, qui savent non seulement ce qu?il faut tourner mais comment on doit le tourner. Soutenu par le producteur Thomas Langmann, Michel Hazanavicius s?est entêté, il est vrai aidé par le succès de ses deux OSS 117 précédents (au Caire et à Rio).

Lyophilisation. Un film muet donc, qui commence par un hurlement. Ce qui fait son petit effet, car ce n?est pas seulement un gag physique. Le mouvement de la caméra est alors comme un mouvement de tête : passer derrière et devant l?écran du film, puis, le plan s?élargissant, découvrir le panorama d?une salle de cinéma dans les années 20. Dans le même abîme, on réalise que la musique que l?on entend depuis le début (film muet mais sonorisé) est celle d?un ensemble symphonique qui, dans la fosse d?orchestre, comme c?était le cas à l?époque, accompagne les images.

Tout le dilemme de The Artist, voire son impasse, est dans cette tension inaugurale entre le récit et son commentaire. Plus précisément sur sa difficulté de faire de ce commentaire, un récit. D?une part une randonnée dans le cinéma dit des origines, d?autre part une tentative de faire de ce voyage en marche arrière, un film en avant, contemporain. D?une part un hommage, d?autre part une intrigue qui se résume à sa lyophilisation : à Hollywood en 1927, George Valentin (Jean Dujardin) est une vedette du cinéma muet. L?arrivée du parlant va ruiner sa carrière. Peppy Miller (Bérénice Bejo), jeune figurante, va au contraire être propulsée star. Commence alors un bras de fer entre une distraction qui invite à détecter une foule d?emprunts plus ou moins copiés-collés, et le souci, malgré tout, de raconter une histoire - en l?espèce une romance entre la star déchue et l?étoile montante. Comme les prélèvements cinéphiles sont opérés dans un panthéon qui, pour beaucoup, est aussi le nôtre, fatalement on s?intéresse, on s?amuse : cette scène dans les escaliers d?un studio hollywoodien ne serait pas comme le Murnau de City Girl ? Cette remise où sont entassés sous housse les souvenirs de la star déchue, ne cite-t-elle pas le grenier de Xanadu où Citizen Kane a entassé ses ?uvres d?art ? Et lorsque George Valentin met le feu aux films où il tenait la vedette, n?est-ce pas Gloria Swanson descendant l?escalier de Sunset Boulevard ?

Pachydermique. Mais, passé le petit plaisir d?avoir bonne ou mauvaise pioche, nous file entre les doigts un film de sable, plus hanté qu?habité. Il faut en effet être de très bonne humeur pour s?intéresser au mélo à deux balles et trois Kleenex qui croise le c?ur de George à celui Peppy. Parce que ce croisement n?est pas un duo, même et surtout dans la scène finale, pas de deux qui ose la reconstitution de légende dissoute : Ginger Rogers et Fred Astaire. Moment un peu gênant où le labeur est tangible entre Jean Dujardin et Bérénice Bejo, qui font le poids mais au sens pachydermique.

Le problème de The Artist n?est pas celui du faux-semblant mais du faux air. Jean Dujardin, avec les indulgences du jury, a un faux air de Douglas Fairbank ; Bérénice Bejo, un faux air de Joan Crawford jeune, etc. Les rares moments de cinéma sont ceux où le film retrouve la geste du muet. Belle scène poético-Charlot, où la starlette glisse un bras dans la veste abandonnée de sa star adorée, et s?y auto-enlace. Très belle mélancolie filmée, quand il est suggéré que l?invention du parlant est une invasion de bruits, comme autant de parasites.

Bon, peut-être faudrait-il suggérer à M. Laurent Joffrin, de retirer à M. Gérard Lefort sa rubrique cinéma, et lui confier : « le coin de la poterie (ou du macramé, ou du patchwork) »? Étant donné l'immense lectorat « bobo » de ce journal, cela aurait sans doute du succès, et tant pis si la chronique n'est pas trop exacte, l'important étant de participer.

PS : et qu'on ne vienne pas incriminer l'orientation politique de ce quotidien, la même critique de « L'Humanité » est absolument dithyrambique. (The Artist" est un film d'aujourd'hui qui parie avec optimisme sur le cinéma.)



24/03/2012
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