In ze mood, le blog d'humeur de Dominique

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Devoir de mémoire

I

l y a 67 ans jour pour jour la ville de Maubeuge était libérée par les troupes américaines du général Rose.

Ce qui reste aujourd'hui est naturellement le souvenir d'un jour de joie et de liesse d'être libéré de quatre ans d'occupation nazie.

Mais, ceci ne doit pas occulter les drames humains vécus à l'époque.

Il y a bien entendu toutes les vies qui ont été prises à ceux qui ont combattu dans la clandestinité et la résistance, ceci sans distinction d'origine sociale ou d'opinions politiques.

Mais, la violence engendrant la violence, cette libération a connu des drames et des excès.

Ainsi que le rappelait « La Voix du Nord » du 31 août dernier, il y a eu « l'assassinat » du maire provisoire de la ville de Maubeuge. Pourtant, l'industriel Anicet Défossez avait été réquisitionné par les troupes d'occupation. Ceux qui connaissent un peu l'histoire de cette période, savent parfaitement ce qui se cache derrière ce terme de « réquisition ». S'y soustraire signifiait au mieux la déportation. Cette personnalité qui avait été choisie pour son sens de l'organisation ne s'est jamais engagée dans la collaboration active voulue par l'État de Vichy. Il n'a fait qu'essayer de gérer ce qui était ingérable. Pourtant ce 25 août 1944 il va le payer de sa vie.

Mais, je laisse la parole à Sylviane Warin, S?ur Jeanne-D'Arc en religion, infirmière à l'hôpital Saint-Nicolas (pour les Maubeugeois : celui-ci se trouvait sur ce qui est actuellement le mail de la Sambre), qui dès 1940 a fait le choix de ne pas fuir la ville pour porter assistance aux centaines de victimes de l'invasion, et qui a tenu un journal entre 1940 et 1944.

« Le 25 Août, nous apprenons avec émotion et une grande tristesse, l'assassinat, du maire de Maubeuge, Anicet Defossez. Ce matin à neuf heures et demie, alors qu'il écrivait dans son bureau, il a été abattu de quatre balles de revolver tirées de dans son dos, par deux hommes masqués qui ont pris la fuite. L'heure des comptes injustes, et l'ère des représailles imbéciles et gratuites, semblent avoir sonné... »

Plus anonyme, mais pas moins dramatique, cet autre fait qui survient quelques jours plus tard, le 9 septembre, et que rapporte toujours S?ur Jeanne-d'Arc :

« La Communauté est réunie pour le repas. Crépitement de fusils. On frappe à la porte de notre réfectoire, pour nous demander le prêt d'une civière. Un homme explique que l'on vient de fusiller un Allemand devant la piscine, et que l'on va nous amener son cadavre pour le déposer à la morgue. C'est un beau gaillard, dans la force de l'âge, en complet civil, avec le brassard tricolore et la croix rouge, l'insigne que portent les secouristes.

Ce cadavre est nous dit-on, celui d'un aviateur allemand déguisé pour s'enfuir.

Moins d'une heure se passe. Retour des mêmes F.F.I, encadrant cette fois une jeune femme. Elle a vingt quatre ans, et trois petits enfants. Originaire d'Indre et Loire, elle est la nièce de Mr Fougère, le garagiste maubeugeois honorablement connu.

Conduite à la morgue devant le cadavre du fusillé, les F.F.I la regardent et lui disent: "Vous le reconnaissez ?! Vous allez subir le même sort".

Stoïque, la femme demande la grâce de voir un prêtre avant d'être exécutée. Le Père Basquin, l'Aumônier, vient la confesser à la morgue entre deux cadavres. Celui de l'Allemand, et celui d'un vieillard de l'hospice, mort le matin même.

Tandis que le prêtre remonte à la chapelle chercher une hostie, sur le seuil de la morgue elle dit à son futur bourreau: "Excusez-moi de vous faire attendre, ce ne sera pas long''. Elle communie. Fait le sacrifice de sa vie. S?ur Ismérie proteste, elle ne veut pas que la morgue serve de lieu d'exécution. On place donc la malheureuse dehors, face à une porte contigüe. Son exécuteur, un nommé Michaux, gamin de vingt trois-vingt quatre ans, tire dans la tête à bout portant. La balle traverse le crâne, la porte s'éclabousse de cervelle et de sang. La femme s'écroule. Elle râle et saigne abondamment. Nous la relevons, la couchons sur une civière, et restons à prier auprès d'elle, la vingtaine de minutes que dure son agonie, tandis que les hommes présents congratulent Michaux de son assassinat, en lui serrant vigoureusement la main.

Cette mort, le courage de cette femme, la joie sadique affichée par le tueur, nous ont bouleversées, nous, les S?urs présentes, jusqu'au plus profond de l'âme.

Michaux, paradant ce soir dans une réunion a proclamé: "C'est le plus beau jour de ma vie, j'ai été éclaboussé du sang de deux traîtres, que j'ai exécuté moi-même.''

Quels forfaits avait donc commis cette femme ?

Elle avait caché l'Allemand déserteur, et favorisé sa fuite en lui donnant un costume de son mari.

Cette exécution sommaire est un assassinat. »

Voilà, pour que le 2 septembre à Maubeuge ne reste pas uniquement que le jour « d?el ducasse ».

NB : Pour ceux qui seraient intéressés, des extraits du journal de S?ur Jeanne-d'Arc ont fait l'objet l'année passée à l'occasion du 70e anniversaire de la chute de Maubeuge, d'une intéressante adaptation publique réalisée par Bruno Cisotto.

Le texte de cette adaptation est disponible à : http://www.artsettravaux.com/jdarc/jdg.pdf

Il a été réalisé un CD de ce spectacle. Renseignements : artsettravaux@artsettravaux.com



02/09/2011
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